La cessation d’une des activités de l’entreprise ne justifie pas en soi un licenciement économique

La cessation d’une des activités de l’entreprise ne justifie pas en soi un licenciement économique - Jurisprudence de la Cour de cassation du 11 avril 2018La cessation d’une des activités de l’entreprise seulement ne peut justifier un licenciement économique. Seule une cessation complète de l’activité de l’employeur peut justifier, par elle-même, un licenciement économique. Peu importe que la cessation partielle résulte de la décision d’un tiers. Le licenciement économique doit impérativement être motivé conformément à l’une des causes prévues par l’article L 1233-3 du code du travail. Jurisprudence de la Cour de cassation du 11 avril 2018.

Le contexte du licenciement économique contesté

Le salarié concerné a été engagé comme chef d’équipe par une société exploitant une station-service sur la base d’un contrat de location gérance avec la société Total. Dans les derniers temps, il exerçait les fonctions de gestion de la baie mécanique et de l’activité entretien et réparation.

La société Total a informé la société locataire, employeur du salarié, de la fermeture à compter du 30 juin suivant que l’activité – entretien et réparation fermait le 30 juin 2011 et serait remplacée par une activité automatique de lavage haute-pression motos, le 20 août 2011.

Constatant l’impossibilité de reclasser le salarié, l’employeur a procédé à son licenciement pour motif économique le 9 juillet 2011. La lettre de licenciement a motivé celui-ci par l’impossibilité de reclassement et la suppression de l’activité entretien et réparation.

Le contentieux prud’homal

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Après le conseil de prud’hommes, la Cour d’appel de Versailles a débouté le salarié de sa demande aux motifs :

  • qu’il n’existait aucun poste disponible pouvant être offert à l’intéressé
  • et « que la cessation de l’activité à laquelle le salarié était affecté, imposée à l’employeur par le groupe lui ayant consenti un contrat de location-gérance, et la suppression consécutive de son poste de travail caractérisent le motif économique ».

(Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 20 octobre 2016).

Le pourvoi du salarié

Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation basé pour l’essentiel sur les deux moyens (arguments) suivants :

1er moyen : selon le salarié en l’absence d’emploi de même catégorie ou équivalent, avec une rémunération équivalente, un reclassement doit être recherché dans une catégorie inférieure. Or, l’arrêt d’appel considérant que la société avait rempli son obligation de reclassement ne montrait pas qu’elle aurait cherché un reclassement sur un emploi de catégorie inférieure au sien, ni qu’un reclassement à un niveau inférieur était impossible.

2ème moyen : le salarié a rappelé que la lettre de l’employeur a motivé le licenciement économique par la suppression de l’activité entretien et réparation. Or un licenciement pour motif économique est celui :

  • effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié,
  • qui résulte d’une suppression ou transformation d’emploi, ou d’une modification refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques voire, dans certaines conditions, à une réorganisation de l’entreprise ou à une cessation d’activité.

Ainsi, le salarié a exposé que :

  • L’employeur devant énoncer le ou les motifs du licenciement et pour un motif économique indiquer la cause économique du licenciement et ses conséquences sur l’emploi du salarié concerné, a manqué à son obligation.
  • L’arrêt de la cour d’appel déclarant cependant justifié le licenciement n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et a donc violé les articles L 1233-3 et L 1233-16 du Code du travail.

La Cour de cassation se prononce sur chacun des deux moyens

Concernant le premier moyen du salarié :

La Cour de cassation a rappelé que la cour d’appel avait relevé « que la société Charpenet n’employait, au moment du licenciement, que dix salariés, dont neuf à temps partiel, en plus [du salarié] et qu’il n’existait aucun poste disponible susceptible d’être offert à l’intéressé ». De cette constatation, la Cour de cassation en a déduit que la cour d’appel avait fait ressortir « l’absence de toute possibilité de reclassement, y compris sur un poste de catégorie inférieure à celui occupé par le salarié ». C’est pourquoi, la Cour de cassation a conclu que le premier moyen (1er argument du salarié) n’était pas fondé.

Mais concernant le second moyen :

La Cour de cassation a constaté que pour dire le licenciement du salarié fondé sur un motif économique et le débouter de ses demandes, l’arrêt de la cour d’appel a retenu que « la cessation de l’activité à laquelle le salarié était affecté, imposée à l’employeur par le groupe lui ayant consenti un contrat de location-gérance, et la suppression consécutive de son poste de travail caractérisent le motif économique de son licenciement ».

Après ce constat, la Cour de cassation a indiqué que :

  • « seule une cessation complète de l’activité de l’employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier »
  • « et qu’une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la cessation d’une activité de l’entreprise résulte de la décision d’un tiers ».

La Cour de cassation en a conclu que la cour d’appel avait violé l’article L 1233-3 du code du travail. Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel (sauf concernant des demandes annexes du salarié).

(Cour de cassation, chambre sociale, 11 avril 2018, N° : 16-27891)

Conclusion :

La cessation d’une des activités de l’entreprise ne justifie pas à elle seule un licenciement économique ; cette cessation doit avoir pour cause l’un des motifs prévus à l’article L 1233-3 du code du travail. En l’espèce, la cessation d’activité ne concernant que l’une des activités de l’entreprise, l’employeur, pour justifier le licenciement, aurait dû se placer sur le terrain des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité…

A l’époque des faits, la cessation de l’entreprise était admise comme motif de licenciement économique par la jurisprudence. Depuis ce motif a été intégré à l’article L 1233-3, mais pas la cessation d’une seule des activités de l’entreprise. Il y a donc lieu de considérer que cette jurisprudence de la Cour de cassation reste valide.

Malgré la présence du mot « notamment » dans l’article L 1233-3, un employeur a fortement  intérêt à invoquer (évidemment de manière justifiée) l’un des motifs expressément prévus dans cet article pour motiver un licenciement économique. Et le motif invoqué ne doit pas être une déformation de ceux prévus (l’entreprise n’est pas une activité de celle-ci).

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

Sources : Jurisprudence de la Cour de cassation legifrance ; article L 1233-3 du code du travail version en 2011 et en 2019.

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