Accord de maintien de l’emploi
Face à de graves difficultés économiques conjoncturelles, après l’établissement d’un diagnostic partagé, les partenaires sociaux d’une entreprise (l’employeur et une représentation du personnel) peuvent négocier et conclure un accord de maintien de l’emploi pour éviter des licenciements économiques. Il s’agit pour passer un moment difficile, d’échanger un aménagement temporaire du temps de travail et une réduction de certaines rémunérations contre le maintien de l’emploi des salariés concernés par l’accord.
Conditions d’un accord de maintien de l’emploi
Le contexte économique de l’entreprise
Un diagnostic de la situation économique de l’entreprise doit être partagé entre la direction et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. A partir de ce diagnostic, un accord de maintien de l’emploi peut être négocié et conclu dans les entreprises rencontrant de graves difficultés économiques, dont on peut penser qu‘elles sont conjoncturelles.
Le comité d’entreprise a la possibilité de faire appel à un expert-comptable pour assister les organisations syndicales de salariés dans l’examen du diagnostic de la situation de l’entreprise et dans la négociation de l’accord de maintien de l’emploi. L’intervention de l’expert-comptable est à la charge de l’entreprise.
Un accord de maintien de l’emploi avec les organisations syndicales
La validité de l’accord dépend de la signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives lors d’élections dans l’entreprise (1).
Un accord de maintien de l’emploi sans délégué syndical
En cas d’absence de délégué syndical dans l’entreprise, l’accord peut être conclu par un ou plusieurs représentants élus du personnel (délégués du personnel, membres élus du CE) expressément mandatés pour cela. En l’absence de représentants élus des salariés dans l’entreprise, l’accord peut être conclu entre l’employeur et un ou plusieurs salariés expressément mandatés (2). Le mandat peut être donné soit par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de la branche d’activité dont relève l’entreprise, ou si elle n’est rattachée à aucune branche, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national interprofessionnel.
Le temps passé dans la négociation de l’accord de maintien de l’emploi n’est pas imputable sur les heures de délégation, dont disposent les représentants du personnel.
Les représentants élus du personnel et autres salariés mandatés pour la négociation d’un accord de maintien de l’emploi se voient attribuer du temps pour l’exercice de leur mission. Sauf circonstances exceptionnelles, ce temps attribué ne peut excéder 10 heures par mois.
Le représentant du personnel, quel qu’il soit, bénéficie de la protection contre le licenciement prévue, par le Code du travail, pour les salariés mandatés.
Le contenu d’un accord de maintien de l’emploi
L’accord peut concerner tous les salariés de l’entreprise ou certains d’entre eux seulement.
Des efforts pour les salariés
Dans son champ d’application, l’accord de maintien de l’emploi peut prévoir des aménagements concernant la durée du travail, ses modalités d’organisation ou sa répartition, ainsi que la rémunération des salariés occupant ces emplois sauvegardés.
Les aménagements prévus concernant la durée du travail et les rémunérations sont définis dans l’accord. Ces aménagements peuvent consister, par exemple, à modifier l’organisation du temps de travail, à réduire la rémunération à travail constant, ou à augmenter le temps de travail pour une rémunération inchangée.
L’absence de licenciements économiques et des efforts, en contrepartie
En contrepartie l’employeur s’engage à ne pas faire de licenciements économiques parmi les salariés concernés par l’accord et l’ayant accepté, pendant toute la durée de celui-ci.
L’accord doit obligatoirement préciser les efforts qui seront effectués par les mandataires sociaux et les actionnaires, ainsi que par les dirigeants salariés se trouvant dans le périmètre de l’accord. Ces efforts doivent être proportionnés à ceux demandés aux autres salariés. Ils pourront notamment consister en une diminution de la rémunération des dirigeants salariés et en une réduction des dividendes versés aux actionnaires.
Suivi et garanties prévus par l’accord de maintien de l’emploi
L’accord fixe les modalités du suivi de l’évolution de la situation économique de l’entreprise et de l’application de l’accord. Les organisations syndicales de salariés représentatives, lorsqu’elles sont signataires, et les institutions représentatives du personnel doivent naturellement être associées au suivi.
L’accord doit prévoir les conséquences qui résulteraient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise.
L’accord doit préciser sous quelle forme les salariés seront informés sur ce qui aura été signé, leur consentement sollicité et leur information sur le suivi assuré.
L’accord doit enfin prévoir une clause pénale, à l’encontre de l’employeur, qui viendrait à s’appliquer s’il ne respectait pas ses engagements, notamment en ce qui concerne le maintien de l’emploi. En cas d’application, la clause pénale se traduirait par le versement de dommages et intérêts aux salariés lésés. Le montant comme les modalités d’application de la clause pénale doivent être précisées dans l’accord.
Choix par chaque salarié et conséquences
Chaque salarié doit se prononcer sur l’application de l’accord à son contrat
Pour que l’accord soit applicable aux salariés après avoir été conclu, chaque salarié doit se prononcer individuellement sur l’application, à son contrat de travail, des clauses de l’accord. Chaque salarié doit être informé de son droit d’accepter ou de refuser l’application de l’accord à son contrat de travail.
Si l’accord ne précise pas suffisamment les modalités de l’accord, l’information sera envoyée en lettre recommandée avec demande d’avis de réception par l’employeur. Il devra aussi être précisé à chaque salarié qu’il dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’information pour faire connaître son refus. En l’absence de réponse dans le délai fixé, le salarié sera réputé avoir accepté l’application de l’accord à son contrat de travail.
Situation des salariés acceptant l’application de l’accord
Les stipulations de l’accord s’appliquent au contrat de travail de chacun des salariés qui l’aura accepté. Les clauses des contrats de travail contraires à l’accord sont suspendues pendant sa durée d’application.
Pendant la durée de l’accord, les salariés bénéficient , en échange, de la garantie de ne pas pouvoir être licenciés pour motif économique.
Situation des salariés refusant l’application de l’accord
Les salariés qui refusent l’application de l’accord à leur contrat de travail, seront licenciés pour motif économique. La procédure à appliquer est celle du licenciement économique individuel. Le licenciement est considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les salariés ayant refusé l’application de l’accord ne bénéficient pas de l’obligation d’adaptation et de reclassement qui repose sur l’employeur dans les autres cas de licenciement économique.
Par contre, ces salariés bénéficient, selon l’effectif de l’entreprise :
- soit du contrat de sécurisation professionnelle (entreprises de moins de 1000 salariés) ;
- soit du congé de reclassement (entreprises de 1000 salariés au moins).
Protection des salariés
Ce que ne peut pas modifier l’accord de maintien de l’emploi
Un accord de maintien de l’emploi ne peut pas modifier un certain nombre de règles protectrices des salariés inscrites au Code du travail qui forment « l’ordre public social ». Ces règles dont l’application ne peut pas être suspendue par un accord de maintien de l’emploi concernent la durée légale de travail, les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail pour l’ensemble des salariés et celles applicables aux travailleurs de nuit, les temps de pause, le repos quotidien et hebdomadaire obligatoire, les congés payés légaux, le 1er mai férié et chômé, le régime des heures supplémentaires et le SMIC.
De plus, la rémunération des salariés égale ou inférieure au SMIC majoré de 20 % ne peut pas être réduite. La rémunération des autres salariés ne peut pas descendre en dessous du SMIC + 20%.
Un accord de maintien de l’emploi doit, par ailleurs, respecter les accords d’un niveau supérieur (accords collectifs de branche et interprofessionnels) en matière de classification, de salaires minima, de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, ou de garanties complémentaires.
Conséquences d’un non-respect de l’accord de maintien de l’emploi
L’accord de maintien de l’emploi prévoit d’avance quelles seront les conséquences d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise concernant les salariés, lorsque cesse l’application de l’accord.
Si l’employeur procède à des licenciements économiques pendant la période d’application de l’accord, outre les indemnités de licenciement et de préavis prévus selon les règles précédemment expliqués, il devra verser les dommages-intérêts prévus par la clause pénale et le cas échéant ceux qui pourraient être décidés par la justice prud’homale.
Durée et possibilité de suspension d’un accord de maintien de l’emploi
Durée maximum d’un accord
Un accord de maintien de l’emploi peut être conclu pour une durée maximum de cinq ans, depuis la loi du 6 août 2015. Pendant la durée d’application de l’accord, l’employeur ne peut procéder à aucun licenciement économique de salariés pour lesquels s’applique l’accord.
Les signataires de l’accord établissent un bilan de son application deux ans après son entrée en vigueur.
Possibilité de suspension de l’accord
En cas d’amélioration, ou en cas d’aggravation de la situation économique de l’entreprise, l’accord peut avoir prévu les critères permettant de suspendre l’application de l’accord. Une telle suspension ne peut être supérieure à la durée restante de l’accord. L’accord conclu au départ doit pour cela prévoir les conséquences d’une suspension pour les salariés et les engagements pris en matière de maintien de l’emploi.
Le tribunal de grande instance, statuant en référés, peut suspendre l’accord à la demande d‘une des deux parties signataires :
- si les engagements pris dans l’accord, notamment ceux concernant le maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués loyalement et sérieusement.
- ou si la situation économique de l’entreprise s’est modifiée de manière significative. C’est-à-dire s’il y a une importante détérioration de la situation économique de l’entreprise ayant pour effet qu’elle n’est plus en état de respecter ses engagements de maintien de l’emploi. Ou à l’inverse, s’il y a une amélioration suffisante de la situation de l’entreprise pour justifier la suspension de l’accord.
Lorsque le tribunal décide de suspendre l’application de l’accord, il fixe le délai de la suspension. Au terme de ce délai, selon l’évolution de la situation, il peut autoriser la poursuite de l’accord ou le résilier.
Conséquences d’une suspension de l’accord
Lors d’une période de suspension de l’accord, les aménagements prévus par l’accord, en matière de durée du travail et de rémunération, ne sont plus applicables, de même que l’engagement de l’employeur de maintenir l’emploi des salariés auxquels l’accord s’appliquait.
En cas de licenciement économique pendant une période de suspension de l’accord, les indemnités de licenciement et la rémunération (ou l’indemnité) de préavis sont calculés sur la base de la rémunération avant la mise en application de l’accord, si elle est plus favorable que la base de la rémunération lors du licenciement. L’allocation d’assurance chômage est calculée sur la même base.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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(1) L’élection prise en compte est celle du premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel. Peu importe le taux de participation à l’élection prise en compte.
(2) Les membres du personnel qui peuvent être assimilés à l’employeur, en raison des pouvoirs qu’ils détiennent, ou qui sont apparentés à l’employeur, ne peuvent pas être mandatés.
Sources : Code du travail legifrance.gouv.fr
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