Réduire le nombre de licenciements peut éviter un PSE

Réduire le nombre de licenciements peut éviter un PSELa Cour de Cassation fait une lecture littérale de l’article L 1233-25 du code du travail : il y a deux conditions à l’obligation de mise en place un PSE. Le refus par plus de 10 salariés d’une modification du contrat de travail motivée par des raisons économiques, ne suffit pas à entraîner l’obligation pour l’employeur de mettre en place un PSE. Selon une jurisprudence de la Cour de cassation, l’employeur peut, en effet, modifier son projet initial afin que moins de 10 salariés soient concernés.

Le contexte de la réduction du nombre des licenciements

La société Matest ayant des difficultés économiques liées à ses locaux du site de Menton, a envisagé de muter à Pégomas 46 de ses salariés, dont 10 en application de la clause de mobilité figurant à leur contrat de travail.

Une consultation du CE a été réalisée sur le projet de déménagement le 13 décembre 2012. Le projet comportait un point 8 indiquant que « les salariés dont le contrat de travail ne prévoit pas de clause de mobilité et qui refuseraient la modification de leur contrat de travail seraient concernés par une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique ». A la suite, une mutation a été proposée aux 36 salariés non tenus par leur contrat de travail d’accepter la mobilité.

Parmi ces derniers, 21 salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail.

L’employeur a alors décidé de modifier son projet et a donc consulté à nouveau le CE, en n’envisageant plus que le licenciement économique de 9 salariés et en maintenant les autres sur le site de Menton. Une procédure de licenciement économique a ensuite été menée à l’encontre de ces 9 salariés.

Le contentieux sur l’obligation ou non d’un PSE

L’un des salariés licenciés ayant une ancienneté de dix ans et exerçant comme chef de quai a saisi la juridiction prud’homale, en soutenant que l’employeur aurait dû élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) du fait des 21 refus de modification du contrat de travail et qu’à défaut, son licenciement était nul ou dénué de cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel a considéré que le premier projet présenté au CE n’avait eu pour objet qu’une « consultation sur un projet de mutation de personnel et non sur des licenciements ». La cour d’appel a aussi considéré, en s’appuyant sur le second projet soumis à la consultation du CE, que l’employeur n’avait engagé « une procédure de licenciement économique qu’à l’égard de 9 salariés sans envisager le licenciement des salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail ». La cour d’appel a donc débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 30 juin 2016).

La cour d’appel n’a donc pas suivi l’argumentation du salarié, qui soulignait que le premier projet envisageait le licenciement éventuel des salariés dont les contrats de travail ne comportaient pas de clause de mobilité, en s’appuyant sur le point 8 du projet de déménagement, en conséquence de quoi (selon le salarié)  la société aurait dû mettre en place un PSE et qu’à défaut de l’avoir fait, son licenciement était soit nul soit sans cause réelle et sérieuse.

Par suite, le salarié, faisant grief à l’arrêt d’appel de n’avoir pas suivi son argumentation et de l’avoir donc débouté de sa demande de condamnation de la société Matest au paiement de dommages et intérêts, a présenté un pourvoi en cassation

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a rappelé que « l’article L. 1233-25 du code du travail ne fait obligation à l’employeur de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi que lorsque dix salariés au moins ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé ».

La Cour de cassation a ensuite relevé que la cour d’appel « après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, qu’à la suite du refus de vingt et un salariés de voir modifier leur contrat de travail et d’être mutés sur le site de Pogamas, la société Matest a modifié son projet de réorganisation pour maintenir une partie de son activité et des emplois sur le site de Menton, et a procédé à une nouvelle consultation des représentants du personnel sur un projet de licenciement collectif concernant moins de dix salariés, [elle] en a déduit à bon droit que l’employeur n’était pas tenu de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi »

La Cour de cassation a donc dit que l’argumentation du salarié, n’était pas fondé et par ces motifs a rejeté son pourvoi (Cour de cassation, chambre sociale, 24 janvier 2018, N° : 16-22940).

Conclusion :

Pour la première fois, la Cour de cassation a indiqué que le refus par plus de 10 salariés d’une modification du contrat de travail motivée par des raisons économiques, n’entraîne pas, à lui seul, l’obligation pour l’employeur d’accompagner une procédure de licenciement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). La cour de cassation reconnait, en effet, que l’employeur peut modifier son projet initial afin que moins de 10 salariés soient concernés. Si tel est le cas, l’obligation de présenter et de mettre en place un PSE disparaît.

Malgré le fait que l’employeur ait envisagé le licenciement des salariés dans le document soumis à la première consultation, la Cour a considéré que la première consultation s’était limitée à présenter le projet de restructuration, sans prévoir à ce stade les conséquences des éventuels refus des salariés.

Les employeurs désireux d’avoir la possibilité de ne pas licencier tous les salariés refusant une modification de leur contrat de travail s’ils sont trop nombreux, ont cependant intérêt à bien distinguer la consultation sur le projet de restructuration et celle sur le projet de licenciement économique.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

Sources : Jurisprudence de la Cour de cassation legifrance.gouv.fr.

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