Refus de reclassement par un salarié

Refus de reclassement par un salarié dans le cadre d'un projet de licenciement économiqueSi de nombreux salariés souhaitent être reclassés, beaucoup ne sont pas prêts à accepter n’importe quelle proposition de reclassement, notamment au niveau géographique et au niveau rémunération. Les salariés concernés par un licenciement économique sont en droit d’émettre un refus de reclassement. Mais à partir de quand les employeurs peuvent-ils prendre en compte la renonciation du salarié ?

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Tentation et risque pour l’employeur d’une prise en compte d’un refus de reclassement présumé par un salarié

Parce que la recherche de reclassement des salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé est compliquée, certains employeurs sont tentés de la simplifier sur la base d’un refus présumé de certains reclassements par des salariés (notamment en raison de l’éloignement géographique).

Une recherche de reclassement compliquée

Le reclassement d’un salarié doit s’effectuer sur un emploi de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent avec une rémunération équivalente, ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

La recherche de reclassement doit s’étendre aux autres entreprises du groupe auquel appartient, le cas échéant, l’entreprise (2). Or bien souvent, les directions des autres entreprises ne se sentent guère concernées par ce qui se passe dans une autre partie du groupe. Elles n’ont guère envie de bloquer des recrutements sur des postes pour permettre des reclassements hypothétiques  Leur coopération est donc souvent difficile à obtenir.

Par ailleurs la recherche doit être étendue à tout le territoire national, si l’entreprise ou les autres entreprises du groupe auquel elle appartient disposent d’établissements dispersés en France.

La tentation des employeurs de simplifier la recherche du reclassement sur la base du refus présumé d’un salarié

Le fait que la recherche de possibilité de reclassement soit difficile pousse des employeurs à vouloir tenir compte dès le début du processus du refus de certains reclassements par les salariés concernés par le licenciement économique. Or cela n’est pas possible en l’état de la jurisprudence !

En effet, selon la Cour de cassation, l’employeur « ne peut limiter ses recherches de reclassement et ses offres en fonction de la volonté de ses salariés, exprimés à sa demande et par avance, en dehors de toute proposition concrète » (Cour de cassation, chambre sociale, 4 mars 2009, N° : 07-42381).

Dans cette affaire, la Cour de cassation a pleinement approuvé une cour d’appel qui avait décidé que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement, après avoir  « relevé que l’employeur s’était borné à solliciter de ses salariés qu’ils précisent, dans un questionnaire renseigné avant toute recherche et sans qu’ils aient été préalablement instruits des possibilités de reclassement susceptibles de leur être proposées, leurs vœux de mobilité géographique en fonction desquels il [l’employeur] avait ensuite limité ses recherches et propositions de reclassement ».

Quand l’employeur peut-il prendre en compte le refus par un salarié de son reclassement ?

Impossibilité dans un premier temps

Dans un premier temps, l’employeur doit rechercher les possibilités de reclassement. A ce stade, il s’agit d’augmenter les chances de maintien en activité professionnelle du salarié en élargissant le plus possible l’offre de reclassement. L’employeur ne doit pas limiter ses offres de reclassement sur la base de la volonté présumée des intéressés de les refuser (Cour de cassation, chambre sociale, 24 juin 2008, N° : 06-45.870 à 06-45.876).

Possibilité dans un second temps

Dans un second temps, sauf à être en mesure d’en démontrer l’impossibilité, l’employeur doit faire à chaque salarié dont le licenciement est envisagé, des propositions précises et individualisées de reclassement. A ce stade,  les salariés peuvent renoncer à des possibilités de reclassement.

Ce renoncement est possible à la condition qu’elle intervienne à l’occasion d’une offre de reclassement et après que l’employeur ait recherché les emplois disponibles susceptibles d’être proposés. Les salariés peuvent, en effet alors, exprimer une volonté non équivoque et éclairée. La renonciation d’un salarié permet, au-delà de l’offre qui lui a été présentée, d’écarter d’autres possibilités de reclassement (similaires, ou pire de son point de vue) « avant même qu’elles ne lui aient été proposées » (rapport annuel 2009 de la Cour de cassation).

En ce sens, la Cour de cassation a approuvé l’arrêt d’une cour d’appel, qui pour débouter une salariée « ne s’est pas fondée sur une volonté présumée de la salariée, a constaté […] que, d’une part, dans le cadre de l’exécution de son obligation de reclassement, l’employeur avait proposé un poste à la salariée que celle-ci avait refusé en invoquant son souhait, pour des raisons familiales, de ne pas s’éloigner de son domicile pour l’exercice de son activité professionnelle, et d’autre part, que l’employeur, qui avait fait des recherches dans ce périmètre géographique, justifiait de l’absence de poste disponible en rapport avec les compétences de l’intéressée » (Cour de cassation, chambre sociale, 13 novembre 2008, N° : 06-46227).

Confirmation de la position de la Cour de cassation en 2016

Dans le domaine du licenciement pour inaptitude, qui est l’autre type de licenciement pour lequel existe une obligation de reclassement, deux arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2016 ont indiqué que l’employeur « peut tenir compte de la position prise par le salarié », dans la justification de l’impossibilité de reclassement. Ces arrêts concernaient des affaires où le salarié avait donné sa position après une première proposition de reclassement refusée en raison de l’éloignement (Cour de cassation, chambre sociale, pourvois N° : 14-26398 et N° : 15-18092).

Ces arrêts ont confirmé que pour la Cour de cassation, lorsqu’existe une obligation de reclassement (licenciement économique et licenciement pour inaptitude), après que la recherche de reclassement ait été effectuée et que l’employeur a proposé un reclassement conforme aux obligations légales, il peut tenir compte de la position prise par le salarié,  si elle a été exprimée à l’occasion de son refus d’un reclassement.

(1) Le code du travail prévoit une obligation de reclassement des salariés concernés par un licenciement économique. Dans la réalité, il s’agit pour l’employeur d’une obligation de rechercher et de proposer des reclassements à ces salariés. Le licenciement économique ne peut intervenir  «  que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie » (article L 1233-4 du code du travail).

(2) Une restriction à la recherche du groupe est toutefois prévue par la jurisprudence. Ainsi, la Cour de cassation  précise-t-elle que la recherche au sein des groupes doit être faite « parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ». Cependant, il n’est pas forcément aisé de déterminer quelles sont ces entreprises ; le périmètre retenu peut, en  effet, toujours être contesté en justice.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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Sources : Code du travail legifrance.gouv.fr ; jurisprudences de la Cour de cassation legifrance.gouv.fr ; rapport annuel de la Cour de cassation.

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