Contestation de licenciements autorisés par le juge-commissaire

Contestation de licenciements autorisés par le juge-commissaireLa contestation d’un licenciement économique autorisé par le juge-commissaire est possible. C’est ce que nous apprend cette jurisprudence de la Cour de cassation du 4 juillet 2018. Lorsqu’une entreprise est en cessation de paiement (dépôt de bilan), le tribunal de commerce ouvre une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation. A la suite le juge-commissaire peut dans le premier cas, ou  doit  dans le second autoriser le licenciement économique d’une partie (1er cas) ou de la totalité (2ème cas) des salariés de l’entreprise.

Le contexte et la contestation des licenciements économiques autorisés par le juge-commissaire

Le 8 octobre 2007, le dirigeant de l’entreprise a déclaré que la société Pierre Houchard menuisier agenceur (PHMA) était en cessation des paiements. Un plan de redressement a été présenté et homologué. Le 1er décembre 2009, le tribunal de commerce a décidé la liquidation de la société. Par ordonnance du 18 décembre 2009, le juge-commissaire a autorisé le licenciement pour motif économique des vingt salariés de la société.

Par la suite, le 4 juillet 2011, l’ancien dirigeant de la société a été déclaré coupable notamment du délit de banqueroute pour avoir délibérément choisit de ne plus poursuivre l’activité de la société PHMA en transférant la clientèle et 2 200 000 euros de chiffre d’affaires à une société nouvelle Atelier 41, appartenant au même groupe. Ceci a ainsi été à l’origine de la liquidation judiciaire de la liquidation judiciaire de la société PHMA.

Suite à la condamnation de l’ancien dirigeant pour banqueroute, plusieurs salariés licenciés (ou ayant droit d’un salarié décédé), ont, saisi la juridiction prud’homale, les 7 juin et 24 juillet 2012, pour contester leur licenciement et obtenir des dommages-intérêts pour licenciements sans cause réelle et sérieuse et exécution déloyale de leurs contrats de travail.

L’arrêt de la cour d’appel déboutant les salariés

Selon la cour d’appel, en présence d’une autorisation de licenciements économiques donnée par le juge-commissaire au liquidateur durant la période de maintien de l’activité de l’entreprise, le contrôle de la cause économique des licenciements et de son caractère réel et sérieux relève de la compétence du juge de la procédure collective.

La cour d’appel a retenu que les salariés invoquaient un manquement de leur employeur (la société Pierre Houchard Menuisier Agenceur) et que par conséquent ils ne pouvaient pas se prévaloir du délit de banqueroute, puisque celui-ci a été commis, personnellement, par le dirigeant de l’entreprise.

La cour d’appel a même souligné que la société PHMA était elle-même victime et que les salariés ne démontraient pas un manquement ou une faute commise par la société elle-même, qui aurait conduit à la faillite frauduleuse et leur aurait causé un préjudice distinct de celui résultant de la perte de leurs emplois.

La Cour d’appel d’Angers a donc débouté les demandes de dommages et intérêts des salariés.

(Cour d’appel d’Angers, du 18 octobre 2016)

Contestant l’arrêt d’appel, les salariés ont formé un pourvoi en cassation.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel « ayant constaté, sans méconnaître le principe de contradiction, que n’était pas établi un manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail par la société Pierre Houchard menuisier agenceur causant aux salariés un préjudice distinct de celui résultant de la perte de leur emploi, [elle] a légalement justifié sa décision ».

Mais la Cour de cassation a aussi considéré «  que le salarié licencié en vertu d’une autorisation par ordonnance du juge-commissaire, est recevable à contester la cause économique de son licenciement lorsqu’il prouve que cette autorisation résulte d’une fraude » (alors que la cour d’appel avait considéré que les salariés étaient irrecevables à contester le bien-fondé de la cause économique de leurs licenciements, relevant selon elle de la seule compétence du juge de la procédure collective).

La Cour de cassation en a conclu qu’en statuant comme elle l’avait fait, la cour d’appel avait violé les articles L 1233-2, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail, dans leur version applicables à l’époque des faits (NDLR : les modifications apportées à ces articles ne semblent pas être de nature à modifier la position de la Cour de cassation).

Par ces motifs, la Cour de cassation  a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel d’Angers du 18 octobre 2016, en ce qu’il avait débouté les salariés ou leurs ayants droit de leur demande tendant à voir déclarer leurs licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse et de leurs demandes de dommages-intérêts de ce chef.

(Cour de cassation, chambre sociale, 4 juillet 2018, N° : 16-27922)

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Conclusion :

Selon cette jurisprudence de la Cour de cassation :

Quand bien même le juge-commissaire du tribunal de commerce a donné l’autorisation de licenciement économique, dans le cadre d’une procédure collective, les salariés sont recevables à soutenir que la décision d’autorisation n’aurait été obtenue qu’à la suite d’une présentation inexacte de l’origine des difficultés économiques faite au juge-commissaire par le dirigeant de l’entreprise, ultérieurement condamné pénalement pour des faits qui auraient provoqué la liquidation judiciaire de la société.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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