Licenciements pour refus de changement du lieu de travail
Les licenciements résultant du refus par des salariées du changement de leur lieu de travail, à la suite de la cession d’une branche d’activité à une autre entreprise ne voulant conserver qu’un seul lieu de production, dans le but de réaliser des économies, constitue des licenciements économiques et non des licenciements pour faute malgré des clauses de mobilité dans les contrats de travail.
Jurisprudence de la Cour de cassation du 17 avril 2019.
Le contexte des licenciements
Plusieurs salariées d’une société nantaise travaillaient respectivement comme assistantes commerciales, assistante de direction, assistante marketing, responsable de fabrication et employée libre-service. Toutes travaillaient à Nantes, mais leurs contrats de travail comportaient une clause de mobilité.
La société nantaise les employant a cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à la société Bloom Trade. La cession a pris effet le 14 mai 2012, date à laquelle le contrat de travail des salariées a été transféré au nouvel employeur. Ce même jour, le nouvel employeur a proposé la modification du lieu d’exécution du contrat de travail à Orléans aux salariées. Les salariées ayant refusé cette modification de leur lieu de travail, elles ont été licenciées pour refus fautif de modification du lieu d’exécution de travail. Les lettres de licenciement des salariées indiquaient que les mutations s’imposaient du fait de la volonté de l’entreprise de ne conserver qu’un seul lieu de production dans un but de réaliser des économies.
La contestation du caractère personnel des licenciements
Contestant le motif personnel de leur licenciement, les salariées ont saisi la juridiction prud’homale, pour que celle-ci reconnaisse l’absence de cause réelle et sérieuse de leurs licenciements et obtenir diverses indemnités.
La Cour d’appel de Rennes a pris des arrêts indiquant :
- que la société Bloom Trade avait retenu à tort un motif personnel pour licencier les salariées – que les licenciements étaient économiques
- et qu’ils étaient en conséquence dépourvus de cause réelle et sérieuse.
De ce fait, la cour d’appel a condamné l’employeur à leur verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
(Arrêts de la Cour d’appel de Rennes, 10 mars 2017).
Le pourvoi de l’employeur
L’employeur a formé un pourvoi en cassation aux motifs :
- que la cour d’appel n’avait pas répondu sur le fait que les clauses de mobilité obligeaient les salariés à accepter de travailler à Orléans et que leurs refus [selon lui] étaient donc fautifs.
- que [selon lui] quand l’application de l’article L 1224-1 du code du travail (1) conduit à une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer et qu’il appartient alors au cessionnaire (s’il ne peut pas maintenir les conditions antérieures) soit de formuler de nouvelles propositions, soit d’en tirer les conséquences par un licenciement pour une cause réelle et sérieuse de licenciement non économique.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur
La Cour de cassation a d’abord rappelé que :
- quand l’application de l’article L 1224-1 a pour conséquence une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer
- et que « la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ».
Ensuite, la Cour de cassation a relevé que la cour d’appel avait constaté que « la modification du contrat de travail des salariées s’inscrivait dans la volonté de l’entreprise de ne conserver qu’un seul lieu de production dans le but de réaliser des économies, que l’objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel du licenciement résultait donc de la réorganisation de la société cessionnaire Bloom Trade à la suite du rachat d’une branche d’activité de la société le Bouquet nantais ».
Sur ce constat, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’en avoir déduit « sans être tenue de répondre à un moyen que les termes de la lettre de licenciement rendaient inopérant, que le licenciement avait la nature juridique d’un licenciement économique, ce dont il résultait qu’ayant été prononcé pour motif personnel, il était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
Sur ces motifs, la Cour de cassation a rejeté les pourvois et condamné la société Bloom trade aux dépens (Cour de cassation, chambre sociale, 17 avril 2019, N° : 17-17880 17-17881 17-17882 17-17884 17-17885 17-17886).
Conclusion :
Le salarié est en droit de s’opposer à une modification de son contrat de travail, autre que le changement d’employeur, faisant suite à l’application de l’article L 1224-1 du code du travail. La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue toujours un licenciement pour motif économique, même après une application de l’article L 1224-1.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Sources : Jurisprudence de la Cour de cassation ; code du travail.
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(1) Article L 1224-1 du code du travail : Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
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