Licenciement économique et inégalité de traitement

Licenciement économique et inégalité de traitement - jurisprudence de la Cour de cassationUn licenciement économique est possible au motif de réorganiser l’entreprise pour en sauvegarder la compétitivité, mais en cas de contentieux l’entreprise doit établir l’existence d’une menace pesant sur sa compétitivité. Un PSE peut prévoir des mesures réservées à certains salariés, mais à la condition que tous ceux placés dans une situation identique au regard de l’avantage puissent en bénéficier, à moins qu’une différence soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et les règles définies et contrôlables.

Le contexte du licenciement économique et de l’inégalité de traitement

Une salariée de la société des pétroles Shell, disposant d’une ancienneté de plus de 35 ans, a été licenciée le 26 mars 2010 pour motif économique. Son licenciement est survenu après qu’elle ait refusé une mesure de cessation anticipée d’activité (préretraite) ouverte dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale pour que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts, notamment au motif d’une inégalité de traitement dont elle estimait avoir été victime.

L’arrêt de la cour d’appel

La Cour d’appel de Versailles a condamné la société des pétroles Shell au paiement de dommages-intérêts à la salariée pour l’inégalité de traitement subie elle et a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt de la Cour d’appel de Versailles, 18 février 2014).

Le licenciement et l’inégalité de traitement devant la Cour de cassation

Le pourvoi de l’employeur

L’employeur a formé un pourvoi devant la Cour de cassation tant contre la condamnation à des dommages et intérêts pour inégalité de traitement, que contre l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Concernant les dommages et intérêts pour inégalité de traitement

Les arguments de l’employeur ont été pour l’essentiel les suivants :

1°/ Les salariés qui sont éligibles à un « mécanisme d’entreprise de cessation anticipée d’activité » (préretraite) ne se trouvent pas dans la même situation de précarité que les autres salariés dont le licenciement économique est envisagé. Les premiers peuvent recevoir une allocation de préretraite intégralement prise en charge par l’employeur jusqu’à la liquidation de leur retraite à taux plein ; les autres salariés perdant l’intégralité de leur salaire et donc l’essentiel de leurs revenu, après la rupture de leur contrat de travail.

En raison de son âge et de son ancienneté, la salariée était intégrée dans le groupe de salarié pouvant bénéficier de la préretraite (ce qu’elle a refusé). Selon l’employeur, elle ne se trouvait donc pas dans la même situation que les salariés qui n’étaient pas éligibles au système de préretraite.

2°/ Un PSE peut comporter des mesures réservées à certains salariés lorsque la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles précisant les modalités d’attribution de cet avantage sont préalablement définies et contrôlables.

Comme la cour d’appel l’a constaté, le PPE avait pour objectif d’équilibrer les dispositions  concernant les différentes classes d’âge présentes dans l’entreprise en minorant les avantages du PPE pour les plus âgés à proportion de la mesure de préretraite à laquelle ils étaient éligibles et à laquelle les plus jeunes ne pouvaient pas prétendre.

Concernant la contestation de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

L’employeur a naturellement contesté  le fait que la cour d’appel ait dit le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, avec pour argument que la réorganisation de l’entreprise est un motif autonome de licenciement économique dès lors qu’elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

Selon l’employeur :

  • la réorganisation destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi correspond à ce motif de licenciement économique ;
  • ce motif de licenciement n’a pas à être subordonné à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement.

L’arrêt de la Cour de cassation

Concernant les dommages et intérêts pour inégalité de traitement

La Cour de cassation a considéré :

que « si un plan de sauvegarde de l’emploi peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables »

que la cour d’appel ayant constaté d’une part :

  • « que la salariée avait refusé une mesure de cessation anticipée d’activité et que le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait que, de ce fait, les avantages dont elle bénéficiait étaient moins importants que ceux des autres salariés licenciés qui ne remplissaient pas les conditions pour prétendre à un départ anticipé » ;
  • et d’autre part, « que cette différence de traitement ne pouvait être justifiée par le seul fait d’inciter les salariés âgés d’au moins 55 ans, à accepter une cessation anticipée d’activité, »

elle « a retenu à bon droit que la salariée faisait l’objet d’une différence de traitement qui n’était pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes ».

La Cour de cassation  a donc décidé que la contestation  n’était pas fondée.

Concernant la contestation de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

La Cour de cassation a considéré « que la cour d’appel, qui a fait ressortir que la société ne produisait aucun élément sur la situation du secteur d’activité des lubrifiants du groupe auquel elle appartient, a pu décider qu’elle n’établissait pas l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise [et que la cour d’appel] a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ».

Le rejet du pourvoi

Par ces motifs, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur (Cour de cassation, chambre sociale, 9 juillet 2015, N° : 14-16009).

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

Sources : Jurisprudence de la Cour de cassation legifrance.gouv.fr.

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