Licenciement économique pour réorganisation
Un licenciement pour motif économique peut résulter d’une suppression d’emploi consécutive à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. La réorganisation de l’entreprise doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. Jurisprudence de la Cour de cassation reprise par la loi du 8 août 2016 et précisée par la loi du 29 mars en 2018.
Le contexte du licenciement économique pour réorganisation
Une salariée, engagée en octobre 2003 en qualité de cariste par la société Aixor (devenue Aixor Logistics), filiale du groupe Dentressangle, a été licenciée économique par lettre du 20 juin 2006 dans le cadre d’un licenciement collectif, à la suite de la fermeture du site de Montauban où travaillait la salariée.
Le contentieux sur le licenciement économique pour réorganisation
La salariée a saisi la juridiction prud’homale.
A la suite, la cour d’appel a dit le licenciement injustifié et a condamné l’employeur à lui payer diverses sommes. Pour motiver son arrêt la cour d’appel a considéré que la lettre de licenciement, qui faisait état de la suppression du poste de la salariée résultant de la fermeture d’un site, ne visait pas l’existence de difficultés économiques (arrêt de la Cour d’appel de Toulouse, 28 mai 2010).
Le pourvoi en cassation
La société Aixor Logistics contestant l’arrêt de la cour d’appel a formé un pourvoi en cassation.
La société a argumenté son pourvoi en affirmant :
- que la lettre de licenciement évoquant la « suppression d’un emploi consécutive à une restructuration de l’entreprise (fermeture d’un site) n’a pas à évoquer, en outre, l’existence de difficultés économiques » ;
- que la réorganisation peut être rendue nécessaire par l’existence d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise ;
- qu’il appartient au juge de rechercher (lorsque l’employeur le soutient), si la réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel l’entreprise appartient ;
- que « les pertes colossales de la société Aixor logistics et l’impossibilité de continuer à employer les 101 salariés du site de Montauban privés de toute activité compte tenu de la perte de son client unique étaient de nature à atteindre la compétitivité de l’activité logistique du groupe Norbert Dentressangle et à justifier la fermeture du site de Montauban et les licenciement subséquents ».
L’employeur concluait en indiquant : « qu’en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir seulement écarté l’existence de difficultés économiques actuelles, sans à aucun moment rechercher si les résultats de la société et la perte de l’unique client du site de Montauban entraînant de facto la disparition de toute activité pour la centaine de salariés qui y était employés ne créait pas une menace, pour l’avenir, sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise, rendant nécessaire la réorganisation entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale […] ».
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a indiqué :
- « que, pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l’entreprise, soit à une cessation d’activité ; »
- et « que la réorganisation, si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou, si celle-ci appartient à un groupe, du secteur d’activité de ce dernier ».
Sur ces considérations la Cour de cassation a dit : « qu’ayant relevé que le secteur d’activité du groupe auquel la société appartenait avait une excellente rentabilité, avec une marge opérationnelle qui conservait un haut niveau, la cour d’appel a fait ressortir que la réorganisation invoquée par l’employeur dans la lettre de licenciement n’était pas justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient [et] qu’elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ».
Par ces motifs, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur.
(Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2012, N° : 10-21050)
Commentaires prenant en compte les évolutions de la législation
A l’époque du licenciement, le code du travail ne prévoyait pas les motifs de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et de cessation d’activité de l’entreprise. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait admis que ces motifs constituent par eux même un motif réel et sérieux de licenciement économique. Ces motifs ont été repris par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi El Khomri ».
La loi du 29 mars 2018 * a repris le périmètre défini par la jurisprudence, le secteur d’activité commun à l’entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient. La loi a toutefois précisé que les entreprises à prendre en compte sont celles « établies sur le territoire national, sauf fraude ».
La loi a donné une force plus grande que la jurisprudence à l’existence d’une nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, pour qu’une réorganisation puisse rendre possible un licenciement économique.
Mais, la jurisprudence de la Cour de cassation apporte toujours cette information essentielle que la nécessité de sauvegarder la compétitivité au niveau du secteur d’activité du groupe (lorsqu’il en existe un dont fait partie l’entreprise) est une condition exigeante, qui peut être jugée dans l’immédiateté. A cet égard, il est intéressant de mesurer l’écart entre la situation exposée par l’entreprise et la vision de la cour d’appel, sans que la Cour de cassation y voit à redire.
* Loi du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (dites ordonnances réformant le droit du travail).
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Sources : Jurisprudence de la Cour de cassation ; code du travail article L 1233-3.
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