Obligation ou non d’une égalité de traitement entre deux PSE ?
Le principe d’égalité de traitement entre des salariés s’étant vus appliquer les mesures prévues dans des plans de sauvegarde distincts, élaborés dans le cadre de procédures de licenciement économique successives, doit-il être appliqué ? La Cour de cassation s’est prononcée sur cette question, dans deux affaires jugées le même jour, en répondant que les salariés concernés par un plan de licenciement économique n’étaient pas dans la même situation que ceux concernés par un autre plan de licenciement économique.
Première affaire : réclamation de l’indemnité spécifique (pourvoi n° 16-12007 et autres)
Le contexte des deux plans de licenciement et des deux PSE
Du fait de l’importante réduction de la charge de travail apportées par le principal donneur d’ordre en 2005, la société Geodis logistics ouest, dont l’activité est le conditionnement et la distribution de produit téléphonique, avait engagé une procédure de licenciement économique collectif prévoyant la suppression de 224 postes sur 285 dans l’un de ses établissements. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a donc été mis en place en décembre 2005.
Les relations commerciales avec le principal donneur d’ordre ont ensuite cessées, la société Geodis logistics ouest a alors pris la décision de fermer l’établissement. De ce fait, il a mis en place une nouvelle procédure de licenciement économique collectif. Cette nouvelle procédure a prévu la suppression de 57 postes de travail sur les 64 qui restaient sur le site. Le plan de sauvegarde de l’emploi arrêté le 10 avril 2007 a prévu, entre autres mesures, une « indemnité spécifique de fermeture de site » de 12 030 euros au bénéfice des salariés concernés.
La saisine de la juridiction prud’homale
Des salariés ayant été licenciés pour motif économique, lors de la précédente procédure en janvier 2006, ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir le paiement de l’indemnité spécifique accordée dans le PSE appliqué un an plus tard à d’autres salariés, à laquelle ils n’avaient pas eu droit. Leur contestation devant les prud’hommes était basée sur le principe d’égalité de traitement.
L’arrêt de la cour d’appel d’Angers
La Cour d’appel d’Angers a donné satisfaction à ces salariés en considérant :
- qu’une différence de traitement peut être invoquée lorsque deux plans de sauvegarde de l’emploi se succèdent au sein de la même entreprise,
- que la différence des circonstances entre les deux PPE ne suffisait pas à caractériser une différence de situation propre à justifier le versement de l’indemnité litigieuse aux seuls salariés licenciés en 2007.
- que les salariés licenciés en 2006 avaient été confrontés à une déception et à un traumatisme moral identiques à ceux vécus par leurs collègues un an plus tard
- et que la rupture anticipée des relations commerciales avec le principal donneur d’ordre, la fermeture du site, les possibilités de reclassement et de retrouver un nouvel emploi ne constituaient pas des raisons objectives et pertinentes propres à justifier une différence de traitement entre les salariés licenciés en 2007 et ceux licenciés en janvier 2006.
(Cour d’appel d’Angers, du 17 décembre 2015).
Seconde affaire demande d’une indemnité pour violation du principe d’égalité de traitement (pourvoi n° 15-12008)
Le contexte du licenciement économique
Un plan de sauvegarde de l’emploi avait été mis en place en 2009 par la société Laboratoire Chauvin. Un salarié, occupant les fonctions de responsable administration gestion du personnel, a été licencié par lettre du 7 juin 2010 dans le cadre d’une procédure de licenciement économique collectif.
La saisine de la juridiction prud’homale
Ce salarié a saisi la juridiction prud’homale pour demander la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité pour violation du principe d’égalité de traitement. Ce salarié s’est prévalu d’une différence de traitement correspondant au montant de l’indemnité complémentaire et à la durée du congé de reclassement prévus dans les plans de sauvegarde de l’emploi successifs dans l’entreprise (celui le concernant et un nouveau treize mois plus tard).
L’arrêt de la cour d’appel de Montpellier
La Cour d’appel de Montpellier a satisfait la demande du salarié en considérant :
- que si le montant de l’indemnité complémentaire et la durée du congé de reclassement avaient été prévus par des plans distincts, ceux-ci conféraient des avantages de même nature,
- que la différence de traitement entre les salariés licenciés relevant des deux plans de sauvegarde de l’emploi « ne reposait sur aucune raison objective et étrangère à toute discrimination prohibée »,
- que pour justifier ces différences de traitement, « il n’était allégué aucune difficulté particulière de reclassement professionnel ni de niveau de qualification différent des salariés concernés ou d’une dégradation de la situation de l’emploi »,
- que le seul fait de procéder à une réorganisation de l’entreprise en deux licenciements économiques collectifs avec négociation de PSE distincts « ne constituait pas une raison objective justifiant une différence de traitement ».
(Cour d’appel de Montpellier, du 6 mai 2015).
La décision de la Cour de cassation dans ces deux affaires : la situation n’est pas identique
La Cour de cassation a cassé et annulé les deux arrêts d’appel au motif qu’ils avaient fait une fausse application du principe d’égalité de traitement car « [lorsque] deux procédures de licenciement économique collectif [sont] successivement engagées dans l’entreprise accompagnées de plans de sauvegarde de l’emploi distincts […], les salariés licenciés dans le cadre de la première procédure ne sont pas dans une situation identique à celles des salariés licenciés dans le cadre de la seconde procédure au cours de laquelle [a] été élaboré, après information et consultation des institutions représentatives du personnel, le plan prévoyant l’avantage revendiqué ».
(Cour de cassation, chambre sociale, 29 juin 2017, N° : 16-12007 ; 16-12009 à 16-12058 et 16-12060 à 16-12077 et Cour de cassation, chambre sociale, 29 juin 2017, N° : 15-21008).
Conclusion :
Dans une même entreprise, la succession dans le temps de procédures de licenciement économique collectif implique une évolution du contexte économique et social. Les PSE successifs établis en fonction des besoins des salariés concernés et des moyens de l’entreprise ou du groupe évalués au moment de leur élaboration et soumis à chaque fois à la consultation des représentants du personnel répondent à des circonstances particulières et présentent nécessairement un équilibre qui leur est propre.
C’est pourquoi la Cour de cassation a indiqué qu’entre différentes procédures de licenciement économique collectif dans une même entreprise, les salariés licenciés ne sont pas placés dans une situation identique qui leur permettrait de revendiquer les avantages d’un PSE élaboré dans le cadre d’une procédure qui ne les a pas concernés.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Sources : Jurisprudence de la Cour de cassation legifrance.gouv.fr ; note explicative de la Cour de cassation.
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